Jérôme Pruneau : vers une « culture de la diversité » au Québec

Par Sarah Laou

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Le Québec n’est pas à l’heure de sa diversité dans le secteur des arts. C’est le constat sans appel de Jérôme Pruneau, directeur général de Diversité artistique Montréal (DAM). Avec son organisme qui accompagne les artistes immigrants ou de minorités visibles dans leur parcours du combattant, ce Français, doctorant en ethnologie, exhorte au développement d’une « culture de la diversité ».

L’épineuse question du manque de diversité dans le paysage artistique et audiovisuel québécois nourrit de plus en plus les discussions et les débats. En effet, le visage du Québec a changé depuis ces dernières décennies, sa population se diversifie et le rapport à l’identité nationale se complexifie.
Alors, le Québec serait-il en retard en matière de reconnaissance et de représentation de ses diverses communautés culturelles ?

Sur ce sujet, le directeur de DAM ne mâche pas ses mots : « L’image que l’on se donne de soi est blanche et francophone. Tant que cette image sera là, il y aura toute une frange de la population qui ne marchera pas, explique Jérôme Pruneau, qui est également auteur et chargé de cours à l’UQAM en sociologie de la production culturelle. La diversité n’est pas un problème à résoudre, poursuit-il. Bien au contraire, c’est une richesse, et il s’agit d’avoir une vision plus élargie de notre société. Nous sommes tous là pour participer au développement du Québec », livre-t-il dans l’entrevue accordée à notre magazine.

Il ajoute : « Avec notre organisme, nous cherchons à valoriser et à promouvoir une construction commune, une conscience collective basée sur l’inclusion. La diversité ce n’est donc pas l’autre, c’est “nous autres“ ».

Cachez cette diversité que je ne saurais voir

Tandis que les nouveaux arrivants affluent chaque jour un peu plus nombreux vers le Québec, à Montréal, c’est presque une personne sur deux qui est issue de la diversité, rappelle Jérôme Pruneau.

Dans son essai intitulé, Il est temps de dire les choses, paru à l’automne dernier, il jette un pavé dans la mare et évoque les obstacles auxquels sont confrontés les artistes issus de la diversité québécoise. « Le talent n’a pas de couleur ou d’origine, écrit-il. Il devrait éclater à partir du moment où une chance de le montrer est offerte ».

« Un artiste a besoin d’un réseau et de l’appui de son milieu professionnel pour avancer, commente l’auteur. J’ai des artistes avec des CV inimaginables qui sont de véritables pontes à l’étranger. Ici, comme il n’y a pas de commission d’équivalence, ils rament et sont enregistrés comme stagiaire à l’Union des Artistes (UDA) », déplore Jérôme Pruneau qui souhaite qu’une mesure d’équité soit mise en place par l’UDA pour faire valoir l’expérience et les diplômes de ces artistes.

Les rôles « clichés » qui stigmatisent certains comédiens sont également légion, souligne-t-il. Dans son essai, le témoignage poignant d’un comédien d’origine haïtienne ayant refusé près d’une vingtaine de rôles de chauffeur de taxi, de domestique ou de dealer de drogue, l’illustre tristement.
« Il y a pourtant des médecins, des avocats et des professeurs d’origine haïtienne, s’étonne le directeur de DAM. Ce ne serait pas compliqué de prendre un acteur noir pour jouer ces rôles. Les stéréotypes sont tenaces et le protectionnisme du milieu reste bien présent. Il faut que les mentalités changent en profondeur », lance Jérôme Pruneau.

Ceci n’est pas sans rappeler la récente polémique autour de l’affaire Morissette et de l’abolition du Black face au Québec – pratique théâtrale abolie aux États-Unis où un acteur blanc se noircit le visage pour imiter un Noir.

Les Français : une « minorité audible » inaudible

Les Français ne sont pas épargnés. Pour ces derniers – et s’ils ne font pas également partie de la minorité visible –  ils appartiennent à la minorité dite « audible ».

« On pense que cela sera plus facile pour un Français qui maîtrise la langue. Mais, ce n’est pas le même français, pas le bon accent, puis il y a aussi l’étiquette du « maudit Français ». Tout cela peut parfois être un frein pour certains comédiens, par exemple », précise Jérôme Pruneau.

Diversité artistique Montréal : un lieu créatif en pleine ébullition

Malgré tout, Jérôme Pruneau est optimiste : « les choses évoluent ». Selon lui, il ne s’agit pas de faire le procès du milieu artistique québécois, mais bien de nommer les choses, de sensibiliser et d’amorcer un changement. Et, ces changements sont déjà palpables au 3680, rue Jeanne Mance, siège de l’association. Depuis la nomination de ce dernier à la tête de l’association en 2013, l’équipe, est passée de deux à sept salariés. L’association a également vu son budget et ses membres doubler, ainsi que les actions sur le terrain se multiplier.

DAM publie désormais une revue mensuelle Tic Art Toc diffusée en librairie, propose l’accompagnement personnalisé d’artistes, organise Les auditions de la diversité en collaboration avec Radio Canada, mais offre aussi le mentorat artistique professionnel et bientôt des services-conseils aux entreprises désireuses d’intégrer la diversité.

Jérôme Pruneau : la preuve par l’exemple

« J’adore mon métier. C’est magique de voir les gens ressortir de mon bureau gonflé de motivation. Il est là mon salaire ! », s’exclame Jérôme pruneau en montrant un mur recouvert de cartes de remerciements. Pour cet humaniste progressiste, accompagner a toujours été une vocation : « J’aime profondément les autres. J’ai la naïveté de l’utopie et des idéaux de paix, de révolution et de partage », confie-t-il.

Il est en outre le meilleur exemple de réussite et de détermination que ces artistes puissent avoir. Après des études supérieures à Montpellier, Jérôme Pruneau a été maître de conférence en Guadeloupe, avant de « tout plaquer » pour venir s’installer au Québec en 2012.

« Je suis un exemple incarné pour les artistes que j’accompagne. Comme eux, j’ai pris des risques, je suis reparti de zéro. J’ai même été plongeur dans un restaurant, avant d’entrer en tant que bénévole pour DAM, raconte-t-il. Comme je leur explique, c’est difficile de rentrer par la grande porte alors il faut viser les fenêtres ; moi, je suis rentré par la cave. C’est ce que j’aime profondément au Québec, poursuit-il le sourire aux lèvres. La porte s’ouvre toujours et on te donnera ta chance. J’y crois. »

DAM a soumis, en février 2015, une étude complète sur les enjeux de cette inclusion dans le domaine des arts, à la Commission des relations avec les citoyens.

Pour plus d’informations sur DAM : www.diversiteartistique.org/fr/

COP21 : « répression et mascarade » selon les militants écologistes

Par Sarah Laou

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La France, plongée dans l’état d’urgence depuis les attentats du 13 novembre dernier, accueille comme prévu les 152 chefs d’État pour la Conférence sur les changements climatiques (COP21) à Paris, ce dimanche. Tandis que l’événement se déroule sous haute surveillance, des groupes de militants écologistes accusent le gouvernement de répression policière. C’est le cas des partisans de la décroissance qui évoquent l’hypocrisie de la COP21 et dénoncent les interdictions de manifester ainsi que les assignations à résidence de représentants associatifs. Pour ces citoyens qui prônent un modèle de société axé sur une économie de post-croissance, la COP21 n’apportera pas les solutions escomptées.

Quarante marches pour le climat interdites, vingt-quatre activistes assignés à résidence, des perquisitions musclées jugées arbitraires, de multiples contrôles et convocations au poste de Police, tel est le quotidien des militants écologistes depuis la décision du gouvernement français de maintenir la COP21 à Paris malgré la menace terroriste.  Pour les nombreuses associations partisanes qui œuvrent à la protection de l’environnement et préparent la COP21 depuis deux ans, cet état d’urgence déclaré par la France le 14 novembre dernier est vécu comme une véritable privation des droits et libertés.
De nombreux citoyens critiquent ces abus manifestes. Jean-Marc, sympathisant de la décroissance, était présent à la marche pour le climat qui s’est déroulée ce dimanche à Montpellier malgré les interdictions préfectorales. Il témoigne : « Ces interdictions, c’est du totalitarisme. Sous couvert d’état d’urgence, ils en profitent pour museler les militants et les citoyens. Pourquoi les marches sont-elles interdites partout en France alors que les grands marchés de Noël, comme celui des Champs-Élysées par exemple, les événements sportifs ou les centres commerciaux sont ouverts et autorisés ? C’est « consomme et tais-toi »… » s’indigne-t-il.

Des militants bâillonnés

Au sujet des assignations à résidence, le ministre de l’Intérieur de la France, Bernard Cazeneuve, assume cette fermeté : « Ces 24 personnes […] avaient témoigné d’actes violents par le passé à l’occasion de manifestations et avaient exprimé le souhait de ne pas respecter les principes de l’état d’urgence », a-t-il déclaré aux médias le 28 novembre dernier. En ce qui concerne l’interdiction des marches, il est indiqué sur les arrêtés préfectoraux que « la forte mobilisation des forces de sécurité pour lutter contre la menace terroriste ne saurait être détournée pour répondre aux risques d’ordre public liés à de telles manifestations revendicatives ».

Selon les membres de Coalition Climat 21, collectif regroupant 130 organisations françaises issues de la société civile, des syndicats, des associations ou des ONG, c’est une « chasse aux sorcières » lancée par le gouvernement à l’encontre des activistes à tendance anticapitaliste. Un représentant de ce collectif, Joël Domenjoud, a notamment été assigné à résidence jusqu’au 12 décembre prochain – date de la fin de la conférence – « au motif qu’il ferait partie de l’ultra-gauche parisienne qui veut remettre en cause la tenue de la COP », d’après la Ligue des droits de l’Homme. Cette dernière condamne l’utilisation de l’arrêté préfectoral – rendu légal par la loi du 20 novembre 2015 sur l’état d’urgence – à des fins de répression et demande la levée immédiate de l’assignation à résidence de ce militant associatif sans casier judiciaire. « La lutte contre le terrorisme n’est ici qu’un prétexte pour interdire toute voix dissonante », déclare la Ligue des droits de l’Homme.

« La lutte contre le terrorisme n’est ici qu’un prétexte pour interdire toute voix dissonante »

En effet, parmi tant d’autres, Coalition Climat 21 pointe du doigt les échecs répétitifs de la Conférence des parties sur le climat et soutient que cette 21e édition ne fera pas exception. Si le collectif souhaite se servir du rayonnement médiatique de l’événement pour mobiliser les citoyens autour de la justice climatique, d’autres mouvements militants appellent, eux, à la désobéissance civile et à des actions dans la capitale pour perturber la tenue du sommet. Les Climate Games organisés par le Laboratoire d’Imagination Insurrectionnelle et Climate Justice Action proposent notamment « le plus grand jeu d’action-aventure désobéissant du monde ». Les artistes du mouvement Brandalism détournent quant à eux, depuis ces deux derniers jours, des centaines de panneaux publicitaires dans les rues de Paris pour dénoncer « les mensonges » du sommet. Mais ce sont également des manifestants de partis anarchistes, d’extrême gauche, alternatifs, écologistes ou des zadistes (militants engagés dans une zone à défendre, ZAD) qui dénoncent la « grande mascarade de la COP21 » et bravent les interdictions préfectorales.

Résultat : ce dimanche, ce sont 300 interpellations et 174 gardes à vue de manifestants qui ont eu lieu dans la capitale, à la suite d’échauffourées avec les forces de l’ordre. Plusieurs rassemblements et chaînes humaines défiant l’état d’urgence se sont toutefois déroulés dans le calme dans plusieurs villes de France. C’est donc dans un climat tendu, électrique que démarre la fameuse conférence environnementale rassemblant les 195 États signataires de la Convention-cadre des Nations Unies.

Les promesses de la COP21

L’état d’urgence est climatique. Si la priorité est donnée aux intérêts géopolitiques, la menace du réchauffement planétaire est, elle, bel est bien aux portes de notre humanité. Accroissement de l’activité cyclonique tropicale ; fonte des glaciers ; élévation du niveau des mers ; extension des sécheresses ; fréquence accrue de fortes précipitations ; vague de chaleur en augmentation, extinction massive des espèces et de la biodiversité : les manifestations des dérèglements climatiques sont d’ores et déjà plus que tangibles et n’iront qu’en s’aggravant si rien n’est fait, scandent dans le dernier rapport 2014 le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) mandaté par l’ONU.

La Conférence des parties sur les changements climatiques, née de l’entente du Sommet de la Terre à Rio en 1992, a donc pour mission principale de trouver des solutions adaptées à l’urgence climatique. Organisée chaque année dans les différentes villes des pays signataires depuis 23 ans, la COP a pour objectif d’aboutir à « un accord supranational engageant les pays à contenir le réchauffement climatique en deçà de 2°C et à engager des mesures mondiales visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) qui contribuent au réchauffement climatique d’ici 2100 », rappelle le Conseil économique, social et environnemental (CESE) mobilisé pour l’événement. Un accord, qui se veut « universel, légal et contraignant », est attendu à l’issue de cette conférence de Paris, comme le martèle depuis plusieurs semaines Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du Développement national de la France. Les États-Unis et la Chine, les deux pays les plus pollueurs de la planète, se sont également engagés pour la première fois à participer de façon active.

Des promesses d’ores et déjà contrariées. En effet, les engagements de réduction GES des 146 pays participants – ces derniers représentent 86 % des émissions de GES – sont insuffisants pour contenir le réchauffement sous le seuil critique des 2°C. Le rapport délivré par l’ONU à la suite de ces engagements en octobre dernier annonce une hausse moyenne des températures de 2,7 °C à la fin du siècle.

Une COP sous influence

Pour plusieurs spécialistes des questions climatiques, la question des engagements n’est pas la seule raison de l’échec programmé de la COP21. Michel Marchand du Mouvement pour un socialisme du XXIe siècle et auteur de Ne soyons pas des écologistes benêts, écrit : « Résoudre la crise écologique et climatique appelle à rompre avec l’ordre économique mondial dominant que nous connaissons actuellement. L’option qui prévaut est que nous sommes dans un cul-de-sac environnemental qui peut conduire à un effondrement économique et social de nos sociétés ». Une opinion partagée par le biologiste et essayiste français Pierre Rabhi, créateur du mouvement écologiste Colibris. Dans une entrevue accordée au journal Le Monde, le 28 octobre dernier, il déclare au sujet de la COP21 : « Il ne sortira rien de cette énième grand-messe. J’ai du mal à croire que les changements structurels nécessaires y soient actés. Il faut entrer dans une nouvelle ère, celle de la modération : modération de la consommation et de la production. Les États vont-ils décider d’arrêter la pêche industrielle et l’agriculture intensive, et ainsi cesser de piller les océans ou la terre? ».

Cette question du climat va bien au delà des petits calculs, selon ces derniers, et implique de délaisser l’idéologie de croissance au profit de la responsabilité et de l’éthique environnementale. Sur le plan politique, cela suppose de miser sur une transition énergétique équitable à l’échelle mondiale et de réduire le rythme effréné de la surproduction.

D’autre part, la question des potentielles influences des multinationales sur les décisions de la COP21 est à considérer. Ces grands groupes, de plus en plus nombreux à participer dans la conférence, jouent la carte du marketing vert dans une logique de production intensive, loin des considérations éthiques environnementales et sociales attendues, comme le signalent bon nombre de groupes altermondialistes comme Le Lobby Planet Paris.

Le chemin de la responsabilité

Les retombées médiatiques de cet événement représentent cependant un impact important sur les populations. Alors que sommes-nous en droit d’attendre de cette COP21? Des promesses, des actions concrètes, un changement? L’astrophysicien et écologiste franco-canadien Hubert Reeves, considère chaque avancée vers la prise de conscience collective comme positive. « Une seule conférence ne réglera pas tous les problèmes, consent-il. Le véritable intérêt de ces conférences n’est pas le contrat qui se signe. Ce sont des évènements qui introduisent des mots dans la société comme (…) “écologie” ou “biodiversité” », conclut le scientifique dans une entrevue accordée à Paris-Match en novembre dernier. Ce dernier reste optimiste quant aux décisions qui pourraient être prises à l’issue de la conférence et rappelle qu’il faut avancer pas à pas, chacun à son niveau, sans « baisser les bras ». Il ajoute : « Je fais tout à fait confiance à l’innovation et à l’imagination des Hommes (…) ils sont formidables quand ils sont vraiment coincés ». Au pied du mur, l’heure est donc bien à la responsabilité commune.

Dany Laferrière : « L’exil devrait être un mode d’éducation »

Par Sarah Laou

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Invité vendredi dernier par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), l’écrivain et Académicien, Dany Laferrière, a donné une conférence tout en humour et en sensibilité sur le thème de l’immigration. 

Inspirant, pétillant, généreux, l’intellectuel québécois d’origine haïtienne ne perd rien de sa verve et de son panache. Il l’a d’ailleurs démontré lors de cette conférence Immigrer ou comment s’infiltrer dans une nouvelle culture organisée par le CORIM au Sofitel de Montréal. Régulièrement sollicité par l’ensemble des institutions médiatiques, politiques et culturelles, Dany Laferrière, deuxième homme noir et premier québécois à être élu membre de l’Académie française, cumule les succès littéraires et les distinctions : le Prix Renaudot en 2006 pour Vers le Sud, le Prix Médicis en 2009 pour L’Énigme du retour ou encore le Grand prix littéraire international Metropolis bleu en 2010.  L’écrivain, qui fait l’admiration de ses pairs, vient également de recevoir le prestigieux Prix littéraire Ludger-Duvernay de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, samedi dernier, dans le cadre du Salon du livre de Montréal.

Multiplier les échanges interculturels 

Impliqué dans la vie culturelle québécoise, Dany Laferrière a remis cette semaine un montant de 25 000 dollars au programme d’Échanges d’écrivains et d’ateliers-résidences Québec-Haïti du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). Une somme provenant du surplus des souscriptions recueillies pour son intronisation à l’Académie française. Ce don a été salué par la ministre de la Culture et des Communications, Hélène David, présente à la conférence : « Dany, c’est un modèle d’être humain d’une grande générosité. Un mélange d’intelligence, d’humour, d’amour et de profondeur. Qu’aurions-nous pour donner du sens aux choses, si nous n’avions pas ces artistes exceptionnels ? Alors merci, vous m’aidez beaucoup en cette période », a adressé la ministre émue à Danny Laferrière. Cette dernière a ensuite expliqué être d’autant plus troublée car elle devait se trouver à l’hôtel Radisson de Bamako ; au même moment s’y déroule une sanglante prise d’otages. Elle explique : « Nous devions assister au 10e anniversaire de la convention sur la diversité culturelle organisée par l’OIF. Nous croyons, en effet, que la culture doit se rencontrer. Elle est ce qui doit unir les pays francophones. Mais, je n’ai pas pu me rendre au Mali pour diverses raisons…cet attentat, c’est un choc », ajoute-t-elle.

Pour la sortie de son dernier roman Tout ce qu’on ne te dira pas, Mongo, qui relate la rencontre entre un homme du sud vivant depuis 40 ans au Québec et un jeune migrant africain fraîchement débarqué, Dany Laferrière a accepté de livrer un peu de son expérience devant l’assemblée venue le rencontrer ce 20 novembre, avant d’entamer une discussion avec Normand Baillargeon, essayiste, chroniqueur et professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

"Tout ce qu'on ne te dira pas, Mongo", dernier roman de Dany Laferrière.
« Tout ce qu’on ne te dira pas, Mongo », dernier roman de Dany Laferrière.

Message de Dany Laferrière aux nouveaux arrivants  

« Infiltrer une nouvelle société, c’est un élan ; quelque chose qui nous aspire, nous absorbe, explique Dany Laferrière. Et il s’agit de préférer la solitude (…). J’ai appris le pays par les pires émissions de télévision, plaisante-t-il. Mais aussi en flânant dans la ville et en évitant le confort du ghetto. Car nous habitons tous des ghettos, avec les mêmes salaires, les mêmes voitures, les mêmes musiques …. Quand je suis arrivé, j’étais seul comme Mongo, ajoute l’écrivain. On m’a proposé un petit restaurant haïtien et j’ai répondu que je voulais manger dans un restaurant québécois, c’est-à-dire un restaurant qui sert de la cuisine italienne ». La salle est hilare.

Il évoque ensuite l’importance de ne pas se laisser aller aux clichés et aux préjugés en tant que nouvel arrivant. « On projette toutes sortes d’images lorsque l’on arrive dans un nouveau pays. Et, si la personne ne concorde pas à limage, c’est que la personne triche. Non, la personne ne triche pas, c’est simplement que vous ne la connaissez pas. Pour la connaitre, j’ai mis 40 ans », confie-t-il.

Pour le romancier, l’exil est un phénomène positif qui permet une plus grande ouverture d’esprit, une plus grande sensibilité au monde. « L’exil devrait être un mode d’éducation, déclare l’Académicien. Je me sens un immigré sur la planète, le monde est ma patrie et je payerai pour l’être si je ne l’étais pas ».

Il poursuit : « Immigrer, c’est d’abord partir, comme l’enfant, et pénétrer une forêt inconnue le plus loin possible. Une fois que l’on a pris la route, il faut accepter qu’on ne retournera plus. Parce qu’on ne retourne pas. Les choses ne se figent pas. Le pays lui-même change sans cesse. »

‎Au sujet de l’Académie française et du travail de préservation de la langue, il déclare : « Certes, nous essayons de garder en vie cette langue. Mais je n’aime pas qu’on idéalise trop la langue. Ce n’est pas une divinité au-dessus des gens. La langue, pour qu’elle existe, doit pénétrer dans les corps. C’est pourquoi cette langue m’appartient plus que je lui appartiens. » conclut-il.

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Un poème en hommage à Paris

Dany Laferrière a tenu a rendre hommage à la France en lisant son poème : Paris, 1983. Ce texte, qui traverse le monde depuis sa publication le 16 novembre dernier à la suite des attentats, est pour l’artiste une façon de transformer avec tendresse l’indicible et de célébrer un patrimoine culturel universel.  Il donne sa vision de la Ville lumière : « Le grand spectacle à Paris, ce n’est pas le Louvres, ce n’est pas la tour Eiffel, c’est Paris lui-même. Paris n’appartient pas aux Français, c’est une ville qui appartient au langage, à l’humanité. Paris, c’est une construction humaine et c’est, je crois, ce que nous avons fait de mieux ».

(Crédit photos : Sarah Laou)

Des artistes français en terre inuite : la culture plus que jamais

Par Sarah Laou

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Après trois semaines en résidence dans le Grand Nord, les trois artistes de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (ENSBA) étaient de retour à Montréal en ce vendredi 13 novembre 2015 pour partager leur incroyable expérience.

Ce fameux vendredi 13, nous rencontrions les trois artistes de l’ENSBA : Patrice Alexandre, professeur du département Matière / Espace modelage ainsi que ses deux élèves, Cécilia Breuil et Anaïs Ang, fraîchement débarqués de la toundra arctique. En compagnie du Consul général de France à Québec, Nicolas Chibaeff, et des partenaires de l’aventure, nous assistions à la conférence au Musée des beaux-arts de Montréal. Les plasticiens en résidence artistique à Aupaluk – communauté inuite du Nunavik dans le nord du Québec – ont témoigné de leur expérience forte, unique, parfois presque ineffable. Avant que les deux jeunes étudiantes reprennent leur avion pour Paris en fin journée, nous parlions de cultures, de rencontres, de partage, d’espaces infinis, d’art…, sans nous douter une seconde que quelques instants plus tard, l’heure serait à la consternation.

Malgré les événements tragiques survenus ce même vendredi 13 novembre, nous tenons à vous restituer le récit des aventures de Pierre, Anaïs et Cécilia. Car plus que jamais, leur histoire est un bel exemple du « vivre ensemble ».

Un projet audacieux 

Les artistes en arts visuels de l’ENSBA ont été accueillis du 23 octobre au 13 novembre dans le cadre de l’édition 2015 des ateliers annuels d’art du Nunavik réunissant près de 40 artistes inuits. En mai prochain, ce sont deux de ces artistes du Nunavik qui se rendront à Paris pour un mois de résidence artistique. Cet échange, soutenu par Hélène David, ministre de la Culture et des Communications du Québec, est le fruit de la rencontre entre Patrice Alexandre et Laurent Lalanne, attaché culturel au consulat de France. « Tout est parti d’une simple discussion, raconte le professeur de l’ENSBA. J’évoquais mon voyage chez les Amérindiens en Guyane française et Laurent a eu l’idée d’organiser une résidence croisée avec les artistes inuits ».

L’attaché culturel français, lui même en résidence à Montréal, explique : « Je crois très fort en la résidence. Les artistes s’imprègnent et se projettent hors d’eux-mêmes. Ils sont amenés à questionner leur travail (…). Et puis, le Grand Nord, c’est un champ de promesses », évoque-t-il en souriant.

Pour Patrice Alexandre, sculpteur passionné d’Histoire qui a notamment réalisé de nombreuses commandes publiques telles que le monument à Saint-John Perse pour le Muséum d’histoire naturelle de Paris ou encore le monument aux victimes de la Gestapo à Reims, cette aventure n’aurait pas été possible sans la participation de l’Avataq, organisme culturel du Nunavik, et de Louis Gagnon, directeur d’Aumaaggiivik : le secrétariat des arts du Nunavik, qui accompagnait les artistes durant ce séjour. « Je suis celui qui les a bousculés, plaisante Louis Gagnon. On est sortis de nos zones de confort et ça n’a pas été facile. Patrice a été formidable et a fait preuve d’une grande résilience. Tous les trois ont été très ouverts (…) et j’ai assisté à des moments forts », conclut-il les yeux brillants.

Les objectifs de cet échange sont donc de favoriser la rencontre culturelle, mais aussi de transmettre les savoir-faire artistiques du peuple inuit et de consolider les liens entre la France et le Québec.

En terre inuite : l’aventure humaine 

Les deux jeunes artistes, Anaïs et Cecilia, ne réalisent pas encore l’expérience incroyable qu’elles viennent de vivre. Sous le coup de l’émotion, des images plein la tête, elles racontent : « Les artistes inuits étaient très rapides à se mettre au travail alors qu’il nous fallait au moins une vingtaine de minutes pour réfléchir à ce que nous allions faire, explique Anaïs Ang. Au départ, ils étaient méfiants, mais au fur et à mesure s’est installé un véritable échange, un rapport naturel qui ne passait pas forcément par la parole. On travaillait ensemble », se souvient cette finissante de l’ENSBA passionnée de sculpture, de cinéma et d’arts visuels.

« Il y a des choses qui ont étonnamment imprégné nos œuvres, reprend Cécilia Breuil encore très émue, comme l’omniprésence de la nature et des animaux. Je me suis mise tout naturellement à vouloir sculpter un phoque, confie-t-elle en riant. Nous étions dans un rapport direct aux choses, aux gens, aux éléments… Pour le moment, on a du mal à revenir à la réalité de la ville. Il n’y a pas assez de mots pour décrire notre expérience ».

Le langage artistique  

« Il m’a pris les mains et me les a réchauffées pendant plus de quinze minutes, précise Anaïs au sujet d’un artiste inuit. J’étais à la fois très surprise et touchée par cette attention (…). Cette scène était surnaturelle et ce n’est pas un hasard si j’ai ensuite réalisé cette œuvre », explique la jeune femme en montrant une sculpture composée d’une pierre brute taillée et de bois de cerfs polis, enchevêtrés les uns aux autres, à la manière de bras semblant réchauffer un cœur.
Si ces artistes ont vécu des expériences relationnelles fortes, Laurent Lalanne, investigateur de cette entreprise artistique, se dit persuadé que l’environnement et l’espace auront un impact sur leurs futurs travaux : « Nous savions que des artistes en arts visuels auraient un vrai lien à la terre, à la pierre et au bois utilisés par les communautés Inuits. Il y avait un rapport d’évidence à la matière. »

Patrice Alexandre en témoigne : « Il est certain que mon travail est bouleversé. J’ai l’habitude d’être seul dans mon atelier; travailler avec les autres a été pour moi un enrichissement exceptionnel. J’ai envie d’y retourner. Je reviendrai, c’est sûr », ajoute le professeur de l’ENSBA originaire de Bretagne qui n’exclut pas la possibilité de venir un jour s’installer au Québec.

Plus d’information sur le site du Consulat de France – Québec

(Crédit photo : Consulat de France du Canada)

 

 

Pascal Légitimus : l’humour et la manière

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(Crédit photo : Rozenn Nicolle)

L’acteur et metteur en scène français, Pascal Legitimus, membre du mythique trio d’humoristes Les Inconnus, était à Montréal la semaine dernière pour jouer dans deux épisodes de la série québécoise 30 vies. Rencontre avec un artiste sensible, en perpétuel mouvement.

Nous avons retrouvé Pascal Legitimus au cœur du Vieux-Montréal, dans le prestigieux hôtel Place d’armes de la rue Saint-Jacques. En plein travail d’écriture de scénarios, le célèbre humoriste nous a accordé un peu de son temps avant de repartir pour Paris, dimanche dernier.

Pascal Legitimus, qui travaille sur un projet de comédie musicale avec l’acteur et metteur en scène Denis Bouchard, explique les raisons de sa venue à Montréal :
« Je souhaitais rencontrer Aetos productions pour un projet de long métrage, et la collaboration avec l’équipe de 30 vies s’est faite tout naturellement. Comme Denis joue un rôle dans la série, les producteurs m’ont proposé un guest ».

Pascal Legitimus incarne Fabrice Dubois : un Français promoteur de musique et dénicheur de jeunes talents. Satisfait du tournage qui a eu lieu les 2 et 3 novembre, il relate : « La série est très naturaliste et c’était agréable de pouvoir proposer des choses. Mêmes si les conditions sont speed, environ 20 minutes pour chaque scène car c’est une quotidienne, l’ambiance était décontractée ».

Un habitué du Québec 

C’est loin d’être le premier séjour du comédien à Montréal. Avec le Québec, c’est une relation qui dure depuis près de trente ans et qui a débuté avec la participation du trio comique Les Inconnusau festival Juste pour rire en 1987. Depuis, Pascal Legitimus est l’adaptateur pour la France de plusieurs spectacles d’humoristes québécois tels que Stéphane Rousseau, Denis Bouchard et Rémy Girard ou encore Anthony Kavanagh. « Il y a un vrai travail d’ajustement en ce qui concerne les références culturelles et le vocabulaire sinon personne ne rit, explique-t-il. En revanche, pour ce qui est du travail d’acteur rien ne change, il suffit d’être sincère ».

Le Français d’origine arménienne et antillaise vient donc régulièrement au Québec. Et si Les Inconnus ont moins de notoriété dans la belle province qu’outre-Atlantique, il se dit toujours surpris par l’engouement que suscite le trio : « En me baladant sur le boulevard St Laurent hier, plusieurs personnes sont venues m’accoster. Les gens m’appellent par mon prénom et j’ai souvent droit à des compliments ou à des témoignages de sympathie. Il y a une forte communauté française au Québec et je regrette simplement que notre dvd L’intégrale des Inconnus ne soit pas édité ici ».

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« Les Inconnus, c’est 35 ans de bonheur »

Avec près de trois cents sketchs de légende, six films cultes, plusieurs chansons devenues des tubes et de multiples récompenses, Les Inconnus ont marqué leur génération et continuent de faire des émules auprès des jeunes Français. Prolifique et original, le trio s’est surtout rendu célèbre pour son émission parodique La Télé des Inconnus. Tout en finesse, ils sont parvenus à dépeindre les travers de notre société en utilisant une pléthore de personnages aussi pathétiques que drôles et attachants.

« Les Inconnus, c’est 35 ans de bonheur, lance Pascal Légitimus. Nous avons tellement travaillé que nous avons l’impression d’avoir tout dit. On pourrait considérer que c’est notre ménopause artistique qui se met en branle ; c’est juste que l’on ne se sent pas obligés de revenir à tout prix ».
Après la sortie de leur dernier film Les trois frères – le retour en 2014, qui a totalisé plus de 2,3 millions d’entrées malgré les critiques acerbes des médias, Les Inconnus semblent toujours chercher des façons de travailler ensemble, comme en témoigne Pascal Légitimus : « Il est certain que nous avons des carrières individuelles très prenantes, mais on continuera à faire des combinaisons scéniques et pourquoi pas de nouveaux films ensemble ».

La scène humoristique française manque de comédiens  

Le contexte artistique a bien changé depuis le succès des Inconnus, selon l’humoriste. Face à une société qu’il décrit comme de plus en plus anxiogène, Pascal Legitimus évoque la censure médiatique : « A l’époque des Inconnus, on avait un peu plus carte blanche. Aujourd’hui, la nouvelle génération à peur de la censure. C’est pourquoi les artistes font des choses plus sages et politiquement correctes. C’est dommage ». Pour ce dernier, le stand-up – phénomène scénique né aux États-Unis et qui se développe en France depuis une dizaine d’années – est un bon exutoire, mais s’apparente à une sorte de fastfood humoristique qui ne permet pas toujours d’éveiller les consciences. Il explique : « Je peux hurler de rire. Mais quand je sors du spectacle, j’ai souvent oublié le propos. C’est beaucoup de vannes et cela peut vite être monocorde ».

Selon lui, l’humour théâtralisé qui met en scène des personnages permet davantage de faire passer des messages et rend également ces derniers plus accessibles. Il poursuit : « Le problème, c’est qu’il n’y a pas assez de comédiens chez les humoristes de la jeune génération. Ils s’empêchent donc eux-mêmes de jouer des sentiments subtils et différents. Ça manque souvent d’émotions et je regrette qu’il n’y ait pas plus d’artistes qui utilisent le jeu pour critiquer de façon intelligente notre société ; c’est pourtant notre devoir d’artiste ». Pour Pascal Legitimus, l’humour est un art subtil et délicat…

Avec plus d’une soixantaine de films, téléfilms et pièces de théâtre à son actif en tant que comédien, metteur en scène ou scénariste, Pascal Légitimus continue de multiplier les projets et les collaborations. Toujours en effervescence, il sera en tournée dès le 15 janvier 2016 avec son nouveau One man show pour 65 dates à travers la France.

Matthieu Ricard à la TOHU : « Osez l’altruisme »

Par Sarah Laou

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(Crédit photo : Rozenn Nicolle)

Le moine bouddhiste d’origine française, Matthieu Ricard, rendu célèbre pour ses publications sur la spiritualité et ses engagements humanitaires, était à la TOHU de Montréal, les 29 et 31 octobre, afin d’offrir deux conférences sur le thème de l’altruisme.

« Développer l’altruisme est la solution de notre temps, lance Matthieu Ricard, le sourire aux lèvres. Il s’agit de travailler à une économie plus solidaire, à une plus grande justice sociale et à un monde meilleur pour les générations à venir », explique-t-il durant l’entretien accordé à L’Outarde libérée, le 29 octobre dernier, dans l’enceinte prestigieuse de la TOHU.

Originaire d’Aix-les-Bains en Savoie, Matthieu Ricard est le fils du philosophe académicien Jean-François Revel et de l’artiste peintre Yahne Le Toumelin. En 1972, alors titulaire d’un doctorat en génétique cellulaire, il décide de partir pour l’Himalaya et devient moine bouddhiste au monastère de Shechen au Népal. Décoré Chevalier de l’Ordre National du Mérite par le président François Mitterrand pour ses actions humanitaires, Matthieu Ricard est également un auteur à succès et l’interprète officiel du dalaï-lama en français. Par le biais de ses productions littéraires et photographiques, le moine souhaite promouvoir ce qu’il appelle « la banalité du bien » et exhorte les peuples à une prise de conscience collective. Son discours fédérateur invite à la responsabilité individuelle, à la générosité et aux actions solidaires concrètes.

Une série de conférences à Montréal et à Québec

Pour sa cinquième visite au Québec, le Français tibétain offre une série de conférences au bénéfice des victimes des séismes au Népal : Plaidoyer pour l’altruismePlaidoyer pour les animaux et Introduction à la méditation. Ces conférences reprennent les thèmes majeurs de ses travaux et sont suivies de séances de dédicaces du dernier livre de l’auteur Vers une société altruiste paru aux éditions Allard en avril 2015.

Le moine, qui consacre l’intégralité de ses droits d’auteurs aux projets humanitaires menés par son association Karuna-Shechen, s’est dit très heureux de retrouver la province québécoise où il se sent à l’aise et accueilli par « un peuple ouvert et chaleureux ».

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(Matthieu Picard en conférence à la TOHU de Montréal le 29 octobre dernier – @RozennNicolle)

Souffrances animales, réchauffement climatique et végétarisme 

Connu pour ses prises de position en faveur de la cause animale, Matthieu Ricard a dénoncé les dérives de l’élevage industriel.  Selon lui, s’il est injuste et immoral d’infliger des souffrances non nécessaires à des êtres vivants sensibles, l’élevage intensif cause également des dommages considérables à l’être humain et à l’environnement.  Pour ce dernier, la tradition, la gastronomie ou la chasse ne peuvent être considérées comme des arguments moraux recevables ; ce système doit être aboli.

En effet, l’OMS publiait le 26 octobre dernier un rapport accablant sur la consommation de viande rouge et son caractère cancérigène pour l’Homme. Avec un risque de décès par cancer accru de 18%, la surconsommation de viande rouge s’avèrerait donc nocive pour la santé. En outre, elle représente toujours une menace pour la biodiversité et pour l’environnement. Selon les divers rapports des organisations internationales telles que la Food and Agriculture Organization of the United Nations, cette croissance continue de l’élevage représenterait l’une des causes principales de la pollution atmosphérique responsable du réchauffement climatique.
Une situation alarmante qui sera d’ailleurs l’un des points discutés lors de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2015 (COP21/CMP11) qui se déroulera à Paris du 30 novembre au 11 décembre prochain.

Voir la vidéo postée par Le Monde : 4 min pour comprendre le vrai poids de la viande sur l’environnement :

Optimiste quant à la prise de conscience des peuples, Matthieu Ricard cite l’exemple de la France où le nombre de végétariens a dépassé depuis quelques décennies le nombre de chasseurs. C’est une victoire pour ce brillant conférencier qui prône une diminution allant vers l’arrêt total de la consommation de chair animale. Néanmoins, Matthieu Ricard se défend de faire de la protection des animaux son unique préoccupation : « J’ai été étiqueté « protecteur des animaux » alors que je passe mon temps à m’occuper des humains ». Avec son association, il déploie des actions humanitaires en Inde, au Tibet et au Népal : « Nous soignons près de 120 000 personnes par an, nous avons 25 000 enfants dans nos écoles, et nous sommes venus en aide à plus de 270 000 personnes dans 574 villages lors des séismes. Alors, lorsque l’on me reproche de m’occuper davantage des animaux que des humains, j’ai envie de demander à ces gens ce qu’ils font, eux, pour les humains ? », plaisante-t-il.

Éveiller les consciences à la compassion

Pour le moine érudit, il s’agit avant tout de considérer l’interdépendance plutôt que de cultiver « le petit cocon de l’égocentrisme ». Il déclare : « Cette banalité du bien fait qu’il y a ce potentiel de bienveillance dans chaque être humain. La méditation permet de le développer ».

Depuis quelques décennies, les études en neurosciences ont démontré que la méditation avait un impact sur le cerveau et lui ont ainsi donné ses lettres de noblesse en Occident. Ainsi, Matthieu Ricard fait partie depuis 2000 du Mind and Life Instituteune association constituée de scientifiques émérites et de pratiquants bouddhistes (dont le dalaï-lama) qui explorent l’influence de l’entraînement de l’esprit à long terme sur le cerveau.

« La méditation permet de cultiver les qualités humaines fondamentales comme l’altruisme, l’attention ou l’équilibre émotionnel, explique Matthieu Ricard. En Orient, elle représente un chemin de transformation spirituelle et les bouddhistes n’ont pas attendu les données scientifiques pour considérer que cette pratique multimillénaire avait des effets sur l’esprit. En occident, d’un point de vue laïc et séculier, on reconnaît désormais que la méditation pleine conscience engendre des changements fonctionnels et structurels du cerveau après quelques heures d’entrainements. Elle est employée dans plusieurs hôpitaux dans le monde pour réduire la souffrance ou les stress majeurs. C’est extrêmement positif » se réjouit-il. Cependant, il met en garde contre les risques d’une utilisation de cette pratique à des fins d’augmentation du rendement et des profits dans le monde de l’entreprise. La méditation doit, selon lui, être bienveillante et favoriser la composante collaborative.

Agir pour la planète de façon universelle 

« Je ne suis pas seul dans ma démarche sinon je me sentirais un peu comme Don Quichotte contre les moulins à vent, s’amuse-t-il. Il y a de plus en plus de monde dans le domaine de l’économie, des sciences, de l’environnement, de la psychologie, des travailleurs sociaux et des ONG qui œuvrent ensemble pour un monde meilleur. Je suis heureux de faire partie de ce mouvement », ajoute Matthieu Ricard qui se sent un « citoyen du monde ».

Il conclut notre entretien par une citation de Victor Hugo : « Il n’y a rien de plus puissant qu’une idée dont le temps est venu ». Pour ce philanthrope éclairé, l’altruisme représente l’avenir en marche.

Café-expo : les œuvres de la photographe Camille Havas à L’Artizan Biztro

Par Sarah Laou

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Le restaurant-pub gastronomique L’Artizan Biztro, situé sur Saint-Hubert dans le quartier de la Petite-Patrie à Rosemont, lance un tout nouveau concept de « café-expo ». Le vernissage de la première exposition : « Racines » de l’artiste Camille Havas, a eu lieu le 18 octobre dernier.

Ouvert depuis moins de deux ans, L’Artizan Biztro est un petit endroit à l’ambiance chaleureuse et feutrée. Cuisine simple mais raffinée, décoration trendy et peintures murales, l’Art semble imprégner les lieux. Ceci est en grande partie grâce à la gérante de l’établissement, Amélie Chenel, qui est aussi étudiante en Arts visuels. Pour cette férue de culture, proposer des créations artistiques à sa clientèle était un défi passionnant. Avec son concept de « café-expo », elle souhaite soutenir les artistes émergents montréalais. « Ce n’est pas toujours facile pour ces jeunes artistes de trouver un lieu d’exposition, explique-t-elle. Et je sais de quoi je parle. On voulait favoriser l’échange, et puis c’est aussi une belle visibilité pour notre restaurant ».

L’Artizan Biztro, qui ouvre le bal des expositions avec la photographe française Camille Havas, souhaite accueillir les œuvres de nouveaux artistes chaque mois.

L’exposition « Racines » : une ode à la nature 

Avec une série de photographies dédiées à la beauté des paysages du Québec, l’exposition est en réalité un hymne à la nature et aux éléments. À travers des clichés aux teintes douces, aux courbes harmonieuses et aux perspectives apaisantes, Camille Havas nous raconte l’histoire des arbres, révèle l’esprit des eaux et immortalise ainsi les âmes qui peuplent ces forêts. Dans les Laurentides, en Mauricie, au parc naturel du Mont-Tremblant, au Mont-Royal ou encore en Gaspésie, la photographe est allée à la rencontre de ces « êtres » d’une autre nature. Elle s’est efforcée avec respect, précise-t-elle, de les faire parler. Dans cette démarche, la photographe s’est d’ailleurs associée à l’organisme Arbre Canada. Ainsi, pour chaque photo vendue, un arbre sera planté au Québec. Une action importante pour cette amoureuse de l’environnement : « Lorsque l’on prend des modèles, on les paye, déclare-t-elle. Je ne pouvais pas concevoir faire de l’argent sur le dos de la forêt. Nous avons tellement à apprendre des arbres ».

C’est donc un travail en profondeur et en délicatesse que réalise Camille Havas. L’exposition « Racines » a le mérite de nous inviter à entrer en relation avec un « peuple » trop souvent négligé. Mais aussi, une féerie réaliste, une poésie du quotidien, qui définit bien le style de l’artiste.

Photographe du banal, témoin de l’extraordinaire

« Fascinée par les beautés simples et les petites absurdités du quotidien, je me considère comme une photographe du banal. J’aime brouiller les cartes, mélanger les repères, jusqu’à ce que ne plus s’étonner de rien permette de s’émerveiller de tout. », peut-on lire sur son site internet.

Avec ses cheveux rasés, son regard limpide et sa longue robe en velours orange, Camille Havas est singulière. Née à Marseille d’une mère bretonne et d’un père hongrois, elle s’est très tôt passionnée pour le cirque. Enfant, elle est différente de ses camarades de classe et se sent souvent rejetée. Elle explique : « En France, il y a beaucoup de jugements sur l’aspect physique. Dans la famille du cirque, on m’a accueillie sans poser de questions… telle que j’étais. J’ai retrouvé cela au Québec. C’est pourquoi je me sens libre d’être qui je suis ici. Je me sens chez moi ».

Bien qu’elle se sente également très proche de la culture hongroise, l’artiste, qui est au Québec depuis plus d’un an, semble donc avoir trouvé sa place. En France, elle avait entrepris des études d’informatique « pour être dans la norme », au Québec, elle est musicienne, danseuse, écrivaine, photographe et donne même des ateliers en conscience corporelle (une pratique à mi-chemin entre le yoga et la méditation).

Un parcours riche et plein d’enseignements qu’elle restitue dans ses nombreuses créations artistiques. Elle vient d’ailleurs de publier son premier livre sur l’histoire de son père : Mon père ce Hongrois. Les racines, un thème qui lui est cher…

Exposition de Camille Havas à L’Artizan Biztro jusqu’au 31 octobre.
6349 Saint-Hubert, Montréal.
Pour questions ou réservations : 438 886 2556.

http://lartizanbiztro.com

http://photo.camillehavas.com

ÉVÉNEMENT :

Lecture de l’ouvrage de Camille Havas Mon père ce Hongrois et présentation de l’exposition « Racines » ce jeudi 29 octobre à 19h30 à la Flèche rouge : Librairie et atelier de quartier

3235 rue Ontario Est, Montréal
Renseignements sur la page facebook :

https://www.facebook.com/events/778149535640803/

(Crédit Photos : Sarah Laou)

Rodolphe Husny, un jeune conservateur qui prône l’art du discours à la française

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Par Victoire Pottiez et Sarah Laou

C’est la deuxième fois que Rodolphe Husny se présente dans la circonscription d’Outremont pour représenter le Parti Conservateur aux élections fédérales. D’origine française par sa mère, il a également fait ses études en Suisse et se félicite d’avoir bénéficié des enseignements européens.

Rodolphe Husny le dit lui-même, il n’a pas le profil d’un candidat du Parti Conservateur, dont la majorité des représentants sont bien plus âgés que lui. Et c’est tant mieux! Puisque le politicien veut « faire tomber les préjugés » et porter le flambeau de la jeunesse entreprenante et dynamique. Rien d’étonnant à ce que son cheval de bataille soit le renforcement de l’économie canadienne sur le plan international. Il a d’ailleurs grandement contribué à la conclusion d’accords de libre-échange entre le Canada et l’Union Européenne. Le jeune conservateur porte un vif intérêt outre-atlantique et c’est sans aucun doute du fait de ses origines. Ayant fait ses études en Suisse et séjourné plusieurs fois dans l’Hexagone, c’est aussi sur ce point que le candidat pense pouvoir se démarquer. «Certains disent que j’ai un discours articulé et un bon argumentaire. J’en dois une grande partie à ce séjour en Europe », confie-t-il après avoir exprimé sa fascination pour les débats politiques en France. M. Husny aurait invité son célèbre rival dans Outremont, Tom Muclair, à débattre mais le jeune conservateur déplore l’absence de réponse du candidat du NPD.

Aux Outremontais, Rodolphe Husny est là « pour leur expliquer les réalisations du gouvernement, valoriser le bilan du Premier ministre et les nouvelles propositions du parti ». Le jeune conservateur veut mettre l’accent sur les trois principaux axes du programme de son parti sur lesquels le choix des électeurs devra selon lui, se porter : le maintien d’un budget équilibré sans passer par l’augmentation des taxes, la réduction du déficit budgétaire, et le renforcement de la sécurité au sein du pays.

Un reportage de Sarah Laou et Rozenn Nicole :
Crédit photo Une : Nathalie Simon Pierre

La magie Rodin continue d’opérer au Musée des Beaux-Arts de Montréal

Par Sarah Laou

Rodin au MBA

Avec plus de 100 000 visiteurs depuis le mois de mai dernier, l’exposition « Métamorphoses. Dans le secret de l’atelier Rodin » est la plus importante jamais consacrée au sculpteur français en Amérique du Nord.

Pénétrer l’atelier et les secrets de fabrication du plus grand maître de la sculpture du 20e siècle est encore chose possible jusqu’au 18 octobre prochain, au Musée des beaux-arts de Montréal. Sur le thème de la transformation, de la recherche et du processus créatif chez Rodin, l’exposition propose plus de 300 œuvres. Plâtres anciens, marbres, bronzes, dessins et aquarelles, les visiteurs explorent la remarquable technicité de l’artiste. Une sélection de 70 clichés d’Eugène Druet — photographe contemporain du sculpteur — habilement agencée à mi-parcours, permet en outre de contempler Auguste Rodin au travail.

Place donc au grandiose, au mouvement et à la sensualité pour une expérience garantie à forte teneur émotionnelle. Le plus impressionnant restant le plâtre monumental du célèbre Penseur trônant au milieu d’une des nombreuses salles de l’exposition.

En collaboration avec le Musée Rodin de Paris

Selon Nathalie Bondil, directrice et conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal, « Métamorphoses. Dans le secret de l’atelier Rodin » est l’occasion pour les visiteurs de découvrir l’œuvre de l’artiste sous un nouveau jour. En effet, elle explique que certains moulages, plâtres et autres esquisses, jusqu’ici inconnus du grand public et issus de réserves muséales françaises, sont exceptionnellement dévoilés au public.

Ces prêts viennent en majeure partie de la collection inestimable du Musée Rodin de Paris, ce qui revêt une valeur affective toute particulière aux yeux de la directrice franco-canadienne. Nathalie Bondil salue la participation de prêteurs nationaux et internationaux tels que le Metropolitan Museum de New York qui a notamment confié le chef-d’œuvre en marbre La Main de Dieu.

Pour cette passionnée et spécialiste de Rodin, c’est avec « une satisfaction absolue et une vive émotion » qu’elle évoque l’accueil de la précieuse collection.« Nous sommes fiers de proposer au public québécois les plus belles œuvres de Rodin, ajoute-t-elle. Quand vous installez ses œuvres dans un endroit, elles développent une telle puissance d’expression, elles habitent tellement l’espace, que vous en êtes frappé ». Une œuvre magistrale, d’après la conservatrice, qui ne peut laisser le spectateur indifférent. Une salle pour les non-voyants a également été conçue et donne la possibilité de toucher des répliques miniatures d’œuvres de Rodin. Un passage qui s’avère apprécié de tous, tant l’envie irrépressible de palper et de caresser les sculptures est grande.

Modèles, matériaux et chefs-d’œuvre vivants

« Rodin, c’est beaucoup de testostérone » plaisante Nathalie Bondil en évoquant l’aspect sensuel de l’œuvre rodinienne. En effet, chair et matière sont indissociables chez l’artiste. Rodin admettra d’ailleurs vouer une passion immodérée pour les corps de femmes, les considérant comme des chefs-d’œuvre vivants. En 1912, il confiait : « Je ne puis travailler qu’avec un modèle. La vue des formes humaines m’alimente et me réconforte ». Le plus souvent féminin, nu, dans des postures inédites — parfois jugées indécentes — le corps du modèle devient l’expression même de la vie pour le sculpteur. Et, cette sensualité exacerbée, palpable, organique, qui émane de ses créatures figées dans la pierre, est totalement déroutante.

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Tel un dieu créateur, Rodin anime la matière et immortalise le vivant dans un mouvement constant. Il évoquera d’ailleurs l’idée de ce Dieu sculpteur : « Dieu a d’abord pensé au modèle ». Plaçant le moulage au cœur de son processus créatif, le maître laisse libre cours au hasard, à l’intuition, mais aussi à l’étude suivant un principe de création continue; une approche révolutionnaire pour l’époque. Qui dit moulage dit possibilité de répéter, de fragmenter, d’assembler, d’agrandir, de réassembler à l’infini.

Auguste Rodin, véritable bourreau de travail, est donc perpétuellement en recherche. Considérant toute création comme inachevée, il déclarait : « Nous sommes des ouvriers dont la journée ne finit jamais ».

Celui qui faisait « trembler le marbre » — d’après ses contemporains — livre au monde une série d’œuvres aussi inimitables que somptueuses, tel que l’hypnotique Le baiser évoquant sa rencontre avec sa muse : la sculpteure Camille Claudel.

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« La tête de l’homme est penchée, celle de la femme est levée, et les deux bouches se rencontrent en un baiser où se scelle l’union intime de deux êtres. Par une extraordinaire magie de l’art, il est visible, ce baiser, à peine indiqué à la rencontre des lèvres, il est visible, non seulement à l’expression des visages recueillis, mais encore à tout le frisson qui parcourt ces deux corps de la nuque aux talons.» Gustave Geffroy.

Exposition au Musée des Beaux-Arts de Montréal, jusqu’au 18 octobre 2015
(crédit photo : Musée des Beaux-Arts de Montréal)

Cinéma : trois succès du box-office français à l’affiche ce mois-ci

Par Sarah Laou

Trois films

En mai, le cinéma sera français ou ne sera pas. À quelques semaines d’intervalle, sortent dans les salles obscures québécoises : L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet de Jean-Pierre Jeunet, La French de Cédric Jimenez et La famille Bélier d’Eric Lartigau. Avec ces trois films qui ont suscité un fort intérêt médiatique en 2014 dans l’Hexagone, le distributeur Les Films Séville réalise un véritable tiercé gagnant. 

TOP 1

La Famille Bélier d’Eric Lartigau – sortie en salles le 8 mai.

Dans la famille Bélier, tout le monde est sourd sauf Paula, 16 ans. Elle est une interprète indispensable à ses parents au quotidien, notamment pour l’exploitation de la ferme familiale. Poussée par son professeur de musique qui lui a découvert un don pour le chant, elle décide de préparer le concours de Radio France. Un choix de vie qui signifierait pour elle l’éloignement de sa famille et un passage inévitable à l’âge adulte.

Un « feel good movie » émouvant et rafraichissant. La comédie rurale attendrissante d’Éric Lartigau a séduit la critique et gagné le cœur du public dès sa sortie en France. Avec 6 nominations aux César et bientôt 7,4 millions de spectateurs, La Famille Bélier est le grand succès cinématographique français de ce début d’année.

Inspiré du poignant récit Les Mots qu’on ne me dit pas de Véronique Poulain publié chez Stock, le film parvient à restituer avec sensibilité et humour cette période charnière qu’est l’adolescence tout en nous faisant partager le quotidien si singulier de cette jeune « entendante » évoluant au sein d’une famille de sourds.

Grâce à un casting judicieux, on découvre avec enchantement l’actrice et chanteuse, Louane Emera, épatante de simplicité et de justesse dans le rôle de Paula, tandis que Karin Viard, François Damiens et Éric Elmosnino proposent une interprétation tout en générosité et en technicité. Le défi était pourtant de taille pour les acteurs, car il leur aura fallu pas moins de six mois et quatre heures par jour pour apprendre la langue des signes bimodale. Le résultat est surprenant et tout à fait crédible.

À l’occasion de la sortie en salle le 8 mai prochain au Québec, Eric Lartigau accompagné de la jeune Louane Emera, récipiendaire du meilleur espoir féminin aux césars 2015, est venu présenter le film en avant-première au cinéma du Quartier latin, le 27 avril. La Famille Bélier, qui a déjà remporté le prix Coup de cœur du public Radio-Canada au Festival Cinéma du monde de Sherbrooke, s’apprête désormais à conquérir le cœur du public nord-américain.

TOP 2

La French de Cédric Jimenez – sortie en salles le 24 avril.

Marseille. 1975. Pierre Michel, jeune magistrat venu de Metz avec femme et enfants, est nommé juge chargé du grand banditisme. Il décide de s’attaquer à la French Connection, organisation mafieuse qui exporte l’héroïne dans le monde entier. N’écoutant aucune mise en garde, le juge Michel part seul en croisade contre Gaëtan Zampa, figure emblématique du milieu et parrain intouchable. Mais il va rapidement comprendre que, pour obtenir des résultats, il doit changer ses méthodes.

Un polar réaliste et intimiste. Qualifié de « fresque romanesque plongée dans la réalité » par la presse, le film de Cédric Jimenez raconte l’âge d’or de la French connection ainsi que son démantèlement sous l’impulsion du célèbre juge Michel. Le long métrage, qui a reçu le plus gros budget du cinéma français en 2014 avec près de 21 millions d’euros, est une belle reconstitution des années 70 et propose une lecture intimiste de l’Histoire. Au-delà du grand banditisme, de la corruption et de la violence, on découvre le destin croisé, et lié, de deux hommes que tout oppose. Un face à face haletant pour un drame à dimension humaine bien ficelé. Cédric Jimenez, qui a tout de suite choisi de raconter l’histoire à travers le juge Michel, déclare : « Le juge est un héros, un homme exceptionnel qui a fait passer l’intérêt collectif avant son intérêt personnel, ce qui est rare dans le monde dans lequel on vit ».

En ce qui concerne le casting, on retrouve avec plaisir les « chouchous du cinéma français » : Jean DujardinGilles Lellouche et Benoit Magimel dans des rôles d’envergure. Incarnant avec brio la détermination, l’intégrité, et la part d’ombre du juge, Jean Dujardin tient son rôle avec force et constance. Gilles Lellouche, qui semble dans les premières minutes du film manquer de charisme en parrain mafieux, livre finalement, au fur et à mesure des plans, une prestation sentie, profonde, intense et sans fioriture.

En bref, une histoire vraie touchante et captivante qui saura embarquer le public québécois…mais aussi le faire rire (en effet, deux petites allusions au Canada se sont glissées dans le film).  À vous de voir !

TOP 3
L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet de Jean-Pierre Jeunet– sortie en salles le 10 avril

Le jeune T.S. Spivet, vit dans un ranch isolé du Montana avec ses parents, sa soeur Gracie et son frère Layton. Petit garçon surdoué et passionné de science, il a inventé la machine à mouvement perpétuel, ce qui lui vaut de recevoir le très prestigieux prix Baird du Musée Smithsonian de Washington. Sans rien dire à sa famille, il part, seul, chercher sa récompense et traverse les États-Unis sur un train de marchandises. Mais personne là-bas n’imagine que l’heureux lauréat n’a que dix ans et qu’il porte un bien lourd secret…

Un road movie esthétique et fantasmagorique. Tourné en partie à Montréal et en Alberta, le dernier né de Jean-Pierre Jeunet  ̶  réalisateur du cultissime Amélie Poulain, de Delicatessen ou encore Alien, la résurrection  ̶  est une coproduction franco-québécoise. Sorti en France en fin 2013, L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet est l’adaptation du roman du même nom écrit par le jeune écrivain américain Reif Larsen en 2009. Une histoire particulièrement riche et prometteuse qui a pourtant du mal à s’épanouir sur grand écran.

En effet, ce ne sera pas le meilleur film de Jean-Pierre Jeunet.  Malgré une esthétique chiadée, des paysages sublimes et une photographie à couper le souffle, le long métrage en 3D présente des longueurs et peine à trouver son assise. Si la marque surréaliste et fantaisiste qui a fait le succès de Jeunet est bien reconnaissable, elle semble toutefois desservir le récit. Le résultat est improbable et alambiqué. Anachronismes, incohérences, le film, qui se définit comme « un western pour enfants », est également truffé de situations périlleuses qui ne semblent pas toujours adaptées à un jeune public.

Entre deux eaux, ballotté entre rêve et réalité, le spectateur se noie parfois. Si certaines scènes sont cocasses, et l’atmosphère générale du film agréable, l’émotion peine à poindre, comme une sorte de rendez-vous manqué.

L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet a remporté 3 Césars pour sa photographie, ses décors et ses costumes, mais n’a atteint que 636 000 entrées pour un budget de 33 millions de dollars. Pour les amateurs de grands espaces, de 3D et de belle photographie, ce film reste cependant un régal pour les yeux et permet un bon moment de détente.